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Interview de Florent Roy : trouver l’équilibre entre vie personnelle et triathlon

Par Anthony Publié aujourd'hui à 17h46 — modifié à 16h46   Temps de lecture : 5 minutes
Interview de Florent Roy : trouver l’équilibre entre vie personnelle et triathlon Crédit Image: Florent Roy

Il y a des rencontres qui éclairent différemment notre manière de vivre le triathlon — non pas par des séances plus efficaces ou des chronos plus rapides, mais par une réflexion plus profonde sur la place que cette passion occupe dans nos vies.
Florent Roy fait partie de ces voix rares, à la fois lucides et bienveillantes. Triathlète de haut niveau dans les années 2000, entraîneur, directeur de club et acteur engagé du développement sportif, il connaît le triple effort sous toutes ses coutures.

Avec son livre dédié à l’équilibre entre vie personnelle et pratique sportive, il propose bien plus qu’un simple guide : un regard honnête sur la passion, ses excès, ses dérives, mais surtout sur la manière dont elle peut s’intégrer harmonieusement dans une vie déjà bien remplie.

Dans cette interview, Florent revient sur son parcours, ses prises de conscience, les mythes qu’il souhaite déconstruire et les principes essentiels qu’il aimerait transmettre à chaque triathlète — qu’il soit débutant, finisher en quête de sens, ou compétiteur au bord du surmenage. Une discussion à cœur ouvert, qui résonne avec la réalité de nombreux pratiquants.

1. Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots et nous raconter ton tout premier souvenir sportif — celui qui, avec le recul, a peut-être planté la graine du triathlète que tu es devenu ?

La flamme du triathlon a fait battre mon cœur pendant plus de 20 ans. J'ai eu la chance d'être reconnu sportif de haut niveau au milieu des années 2000, la génération de David Hauss, Laurent Vidal, Sylvain Sudrie, Cyril Viennot et beaucoup d'autres. Ensuite, je suis devenu entraîneur puis directeur de club et je me suis également investi dans la politique sportive, au niveau départemental, régional et national. 
 
La flamme a été amorcée par mon père qui pratiquait au niveau local et s'est définitivement embrasée grâce à mon professeur d'EPS de collège qui nous faisait faire du triathlon en plein hiver ! C'était fou mais ça avait constitué un électrochoc chez moi. Les sensations ressenties étaient uniques et ont définitivement semé la graine de la passion.

2. Pour commencer, qu’est-ce qui t’a donné envie d’écrire un livre sur l’équilibre entre ta vie personnelle et ta pratique du triathlon ? Un déclic particulier… ou juste un entraînement trop tôt un dimanche matin ?

Mon roman a permis de boucler la boucle de mon investissement dans le triple effort. J'ai voulu partager l'essentiel de ce que j'ai pu apprendre grâce à mes pratiques comme athlète et entraîneur diplômé d'état. Je tenais notamment à développer la conscience sur un sujet qui touche chaque triathlète compétiteur : la juste place de la passion dans sa vie. 

3. Sans dévoiler tout le contenu de ton livre, quels sont les principes ou approches que tu considères comme essentiels pour aider un triathlète à mieux organiser son temps et ses priorités ?

Le principe fondamental est de ne jamais perdre de vue l'importance de l'équilibre. La régularité vaut mieux que la frustration permanente. Je développe notamment dans mon roman la notion de culture de l'échec. A savoir le fait de se fixer des objectifs trop hauts qui sont donc par essence inatteignables. Derrière, on observe souvent toute une série d'excuses venant expliquer l'échec alors que celui-ci était prévisible depuis le premier jour. 

4. Quel est, selon toi, le plus grand mythe sur l’équilibre vie perso / triathlon que tu as voulu démonter dans ton livre ?

Le plus grand mythe est celui des réseaux sociaux ou de la médaille de finisher. Le fantasme nait de la partie émergée de l'iceberg, du résultat final. Cette représentation vient clairement faire oublier tout le process amenant à cette photo glamour. Le réel est bien différent. Les entraînements sous la pluie, les engueulades dans la vie de couple, le peu de partage avec ses enfants, les temps réduits avec la famille et les amis ... tous ces éléments n'apparaissent pas sur la photo finale. 

5. As-tu une “règle d’or” que tu t’efforces de respecter pour éviter que le sport prenne toute la place ?

La règle d'or est l'acceptation de son statut d'amateur. Quel que soit son niveau de performance, quel que soit son ambition, le triathlon constitue un loisir. Une expression que j'aime beaucoup symbolise cet état d'esprit : "faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux". Ne pas oublier cet état d'esprit, c'est accepter de considérer l'essentiel et de lâcher prise face à ce qui ne l'est pas. 

6. Si tu devais donner un seul conseil, très concret, à un triathlète qui jongle entre boulot, vie de famille et entraînements… ce serait quoi ?

Ne pas se tromper d'objectif. Il vaut mieux prévoir un process permettant de faire occasionnellement plus d'entraînements qu'un process amenant à devoir réduire en permanence leur nombre. Le premier amène le sentiment de récompense "j'ai gagné du temps, j'ai gagné un entraînement", quand le deuxième amène une grande frustration "je n'ai pas réussi à faire cet entraînement, à cause de ... , je ne serai donc jamais prêt". 

7. Comment vois-tu aujourd’hui la place du triathlon dans ta vie, au-delà de la performance et des résultats, en termes d’équilibre global entre tes différentes responsabilités et aspirations ?

Quelques jours après mes 39 ans, j'ai compris que le sport de compétition pouvait être un terrible piège dans lequel l'ego s'engouffre. Dès lors, je me suis posé la question de l'essentiel. Aujourd'hui, je continue à faire du sport, mais seulement pour être en bonne santé. Et même cette contrainte de trois entraînements par semaine n'est pas facile à tenir ! 

8. Selon toi, quels sont les défis majeurs auxquels font face les triathlètes modernes quand il s’agit de concilier passion sportive et vie personnelle ? Est-ce que ces enjeux ont évolué avec le temps ?

Les défis majeurs sont liés à la technologie. Avec les réseaux sociaux et notamment l'application Strava, le challenge est permanent. La stimulation incessante de l'ego amène à toujours penser que l'autre est meilleur, l'autre en fait plus, l'autre réussit tout ce qu'il fait. Cette vision est fausse. La réalité appartient à chacun. Le défi est donc de ne jamais perdre de vue que l'autre n'est pas soi et que ce qui compte, c'est ce que l'on décide vraiment et non ce que décide l'ego. L'ego est un formidable moteur mais un piètre pilote. 

9. En prenant du recul, penses-tu que la quête d’équilibre entre vie personnelle et vie sportive est un processus constant, voire un défi sans fin ? Comment cela influence-t-il ta manière d’aborder l’entraînement et la compétition ?

En effet, cela représente un chemin. Il n'y a donc pas de destination atteignable puisque le présent évolue sans cesse et l'adaptation est ainsi permanente. Mais cela fait aussi la magie du sport et positionne clairement le sport comme une école de la vie. Le sel de la vie en quelque sorte. On revient une nouvelle fois sur l'importance de l'objectif. Trop élevé, il crée des ruptures, trop faible, il ne stimule pas assez. La manière de s'entraîner et d'aborder la compétition doivent ainsi s'inscrire dans le temps long. Cette vision va  à l'encontre d'un monde qui accélère sans cesse. D'où l'importance d'être au clair avec soi même car la question est de lutter contre le mouvement de la société pour adopter son propre rythme.

10. Et pour finir : qu’aimerais-tu que les lecteurs retiennent avant tout de ton livre ?

Le sujet de la juste place de la passion a été largement abordé tout au long de ces questions mais un autre point est aussi développé dans mon roman et me tient particulièrement à cœur. En effet, le récit a été conçu pour offrir une double lecture, pour la personne passionnée et pour son entourage. L'objectif est de renforcer l'empathie au sein du couple ou avec ses proches. Car il n'est rien de plus difficile que de se mettre à la place de l'autre et de comprendre ses ressentis. La lecture amène ainsi à mieux comprendre l'athlète pris dans les rets de la passion ainsi que son entourage subissant cette passion dévorante. Chacun comprenant mieux l'autre, il devient plus facile de faire un pas vers l'autre pour trouver des compromis. 

 

Au fil de cette discussion, Florent Roy nous rappelle que le triathlon n’est pas seulement une affaire de performance, de planification ou de discipline. C’est aussi — et peut-être surtout — une aventure humaine, faite d’équilibres fragiles, de choix personnels et de questionnements permanents.

Son regard apaisé, parfois décapant, toujours sincère, invite chacun à reconsidérer la place du sport dans sa vie : à dépasser l’ego, à se libérer des comparaisons, à écouter davantage ce qui a du sens pour soi. Son livre, pensé autant pour les athlètes que pour leur entourage, offre une compréhension mutuelle rare et précieuse dans un univers où la passion peut vite devenir envahissante.

Que l’on vise une médaille, un premier triathlon, ou simplement une vie plus alignée, le message est clair : avancer avec lucidité, cultiver la régularité plutôt que la frustration, et ne jamais perdre de vue que le triathlon est — et doit rester — un loisir choisi, éclairant et enrichissant.

Une lecture et un témoignage qui invitent à respirer, à ralentir… et à retrouver le plaisir simple du mouvement.