Dans l'univers de la course à pied, on entend souvent parler de la VMA, du seuil anaérobie, et de l'endurance fondamentale. Pourtant, il existe une zone d'entraînement moins connue, mais tout aussi capitale, qui fait le pont entre le footing lent et les efforts intenses : le **seuil aérobie**. Également appelé "seuil ventilatoire 1" (SV1) ou "seuil lactique 1" (SL1), cette allure est le secret des coureurs de fond qui cherchent à améliorer leur efficacité sur de longues distances. Ce n'est pas la zone la plus spectaculaire, mais c'est l'une des plus productives. Je vous propose de découvrir ce qu'est ce seuil, pourquoi il est si important pour votre progression, et comment l'intégrer intelligemment à votre plan d'entraînement.
Pour comprendre le seuil aérobie, il faut se pencher sur la manière dont notre corps produit de l'énergie. En course, nous utilisons deux sources principales : les **lipides (graisses)** et les **glucides (sucres)**. L'entraînement au seuil aérobie se situe à la limite de la zone où le corps passe d'une utilisation majoritaire des graisses à une utilisation plus importante des sucres.
À faible intensité (en endurance fondamentale), l'oxygène est abondant et votre corps utilise principalement les graisses pour produire de l'énergie. Ce processus est lent, mais les réserves de graisses sont quasi illimitées. Le seuil aérobie est le point où votre rythme s'accélère suffisamment pour que le système aérobie, basé sur l'oxygène, commence à peine à être mis en difficulté. Le corps fait alors appel à une proportion plus grande de glucides pour répondre aux besoins énergétiques plus élevés. C'est le premier point de bascule de notre métabolisme, un signal que le corps doit commencer à travailler "plus activement".
Le seuil aérobie correspond au moment où le lactate commence à s'accumuler dans le sang, mais de manière très lente. Il est essentiel de comprendre que le lactate n'est pas un déchet, mais un sous-produit énergétique que le corps peut recycler pour créer de l'énergie. Au seuil aérobie, la production de lactate est encore équilibrée par sa capacité à l'éliminer. C'est le moment où cet équilibre devient un peu plus instable. Découvrez tout sur le rôle essentiel de l'acide lactique.
Le moyen le plus précis est un test en laboratoire, mais pour le coureur amateur, il existe des méthodes fiables basées sur la perception de l'effort et la fréquence cardiaque.
Bien que non universelle, la plupart des experts s'accordent à dire que le seuil aérobie se situe aux alentours de **80 % de votre Fréquence Cardiaque Maximale (FCM)**. C'est une zone de transition entre l'endurance fondamentale et le seuil anaérobie. Si vous connaissez votre FCM, vous avez une bonne base pour commencer à travailler cette allure.
C'est la méthode la plus accessible et la plus fiable sans matériel. Au seuil aérobie, votre sensation de course change :
Le travail au seuil aérobie est le fondement de la performance sur le long terme, en particulier pour les courses de fond.
En vous entraînant à cette allure, vous apprenez à votre corps à devenir plus économe en énergie. Vous améliorez votre capacité à utiliser les graisses comme carburant, même à des allures plus élevées. Cela a un impact direct sur la performance : plus vous utilisez de graisses, plus vous épargnez vos réserves de glucides, qui sont limitées. C'est la clé pour éviter le "mur" du marathon et maintenir une allure rapide plus longtemps.
Un seuil aérobie élevé signifie que vous pouvez courir plus vite tout en restant en zone d'endurance. Pour les marathoniens et les ultra-traileurs, cela est directement corrélé à la vitesse de course. Pour les coureurs de 10 km ou de semi-marathon, cela vous donne une base solide et un "moteur" plus puissant pour supporter les efforts intenses. Sans une bonne base aérobie, les séances de VMA et de seuil anaérobie seront inefficaces et épuisantes.
Il est facile de s'y perdre. Voici les distinctions claires avec les autres zones d'entraînement :
L'**endurance fondamentale** est la zone de base (jusqu'à 75 % de FCM). Son objectif est de développer le système cardiovasculaire, d'augmenter le volume cardiaque et le nombre de capillaires sanguins. La conversation est aisée, sans effort. L'endurance fondamentale est la base de tous vos progrès. Le seuil aérobie (75-80 % FCM) est une zone de transition plus rapide où l'on travaille l'efficacité métabolique. On y passe moins de temps qu'en endurance fondamentale, mais c'est un complément indispensable pour la progression.
Le **seuil anaérobie** (ou seuil lactique 2) est un point d'intensité bien supérieur (généralement 85-90 % de FCM). À cette allure, l'accumulation de lactate dans le sang devient très rapide. C'est un effort que vous ne pouvez maintenir que 40 à 60 minutes. C'est l'allure de la course au 10 km. Le seuil aérobie est le "premier seuil", le seuil anaérobie est le "deuxième seuil" : le premier vous rend plus économe, le second vous rend plus résistant à l'effort intense. Comprenez comment travailler votre seuil anaérobie.
En conclusion, le seuil aérobie est l'ingrédient secret de la performance sur les longues distances. Il n'est peut-être pas aussi passionnant que de faire du fractionné à haute intensité, mais c'est un travail de l'ombre qui fait toute la différence. En l'intégrant à vos séances d'endurance, vous apprendrez à votre corps à être plus efficace, à économiser ses précieuses réserves d'énergie et, à terme, à courir plus vite et plus longtemps. C'est le chemin vers une progression durable et sans blessure.
En général, le seuil aérobie se situe à la limite supérieure de la Zone 2 (pour les plans d'entraînement à 5 zones) ou au début de la Zone 3. L'important est de se fier à la fois à votre fréquence cardiaque et à votre perception de l'effort pour trouver cette zone de transition.
Il n'est pas nécessaire de faire une séance dédiée. Vous pouvez l'intégrer à vos footings longs en y insérant des blocs de 15 à 30 minutes au seuil aérobie. Pour les coureurs de fond, cela peut être fait une fois par semaine.
La respiration s'accélère légèrement, vous ne pouvez plus parler par phrases entières, mais vous pouvez toujours prononcer des mots. L'effort est présent, mais vous pourriez le maintenir pendant de longues périodes sans vous épuiser. C'est une allure de "confort dynamique".
Beaucoup de coureurs pensent, à tort, que courir lentement ne sert à rien. Ils se retrouvent alors dans une "zone grise" où leurs footings d'endurance sont trop rapides pour être de la récupération, mais trop lents pour être un vrai travail au seuil. C'est la principale erreur qui limite la progression en endurance.
Oui ! Plus vous vous entraînerez, plus vous serez capable de courir à une allure plus rapide tout en restant au seuil aérobie. C'est le signe que votre corps est devenu plus économe et plus efficace, ce qui est l'objectif principal de ce travail.
L'allure au seuil aérobie est très individuelle. Elle peut correspondre à 60 % de votre VMA pour un débutant, et à plus de 80 % pour un coureur de haut niveau très endurant. Il est donc crucial de se fier à votre fréquence cardiaque ou à votre ressenti plutôt qu'à une allure en km/h.